mercredi 21 mars 2018

Nouvelle Histoire Intro + chapitre 1


Les îles Célestes. Immenses blocs de roches suspendues entre ciel et terre. Des roches recouvertes de mousse verte, de crêtes montagneuses et d’innombrables ruines. Leur existence à elle seule était un mystère que ni le temps, ni les guerres n’avaient épargné.
Le commun des mortels condamné à demeurer ici-bas les nommait tout simplement le monde d’en haut. Jusqu’à présent, personne n’était parvenu à expliquer par quel étrange phénomène physique ou magique elles tenaient en suspension sans jamais s’écraser sur terre. Elles défiaient à elles seules la théorie de la gravitation universelle.
D’après les écritures Sainte, les Iles Célestes seraient le dernier vestige de ce qui fut autrefois le jardin d’Eden. Une preuve vivante que les Dieux de l’Ordre auraient accordée à l’humanité. Parfois il arrivait qu’un individu assez chanceux fut touché par la grâce et accède au monde d’En Haut. Mais ce phénomène était bien rare. On ignorait comment les élus étaient sélectionnés, combien il y en avait chaque année ou même leur identité.
Avant la Grande Guerre, Les Iles Célestes avaient été la résidence principale  des Seigneurs de Guerre. Aujourd’hui, elles abritaient les quartiers du Haut-Conseil, officiellement la plus grande autorité des sept royaumes. Si très peu d’archives existaient sur les Îles Célestes, (la plupart ayant été détruit durant la grande purge près d’un millénaire plus tôt), tous s’accordaient à considérer ces énormes rochers comme un lieu de pouvoir. Les curieux et les arrivistes qui tentèrent d’en percer le secret  ne revinrent jamais. Depuis plus de cinq siècles, personne n’avait osé s’y aventurer. Ce qui se passait sur les Îles Célestes demeuraient aux Îles Célestes.
Bien entendu il existait des histoires. Certaines vraies certaines fausses.
La jeunesse éternelle n’existant toujours pas, à moins d’utiliser la magie, d’avoir passé un pacte avec une entité quelconque (la plupart mentent, même par omission. Dans tous les cas vous ne serez jamais gagnants); ou d’être soi-même une créature magique. Les humains mortels naissent, vivent  et meurent tout aussi rapidement. C’est ce qu’on nomme communément le cycle de la vie. Or sur les Îles Célestes les tracas si communs aux mortels que nous étions n’avaient pas leur place. Pas de Vie, pas de Mort, pas de Désir, pas de Maladies.  Les émotions y étaient jugées imprévisibles et par conséquent dangereuses.  Elles étaient une menace pour la perfection et l’ordre auxquelles les habitants des Îles Célestes aspiraient.

Parfois, le Haut-Conseil faisait appel à une équipe de nettoyage spécialisé, dont la fonction était de supprimer tout élément susceptible de troubler l’ordre publique. Le processus était alors appliqué dans la discrétion la plus absolue. Tout danger était implacablement éradiqué. La perfection primait. Le monde d’En Haut ne vivait pas, il faisait semblant de vivre parfaitement.


CHAPITRE 1:


 Plongée dans l'obscurité la plus complète, je me déplaçais  sans bruits. Voir dans le noir ne me posait en général aucunes difficultés particulières. Je préférai simplement limiter les fonctions de mon corps au minimum humain moyen autorisé. Ce que j'étais aussi ou pas. Je veux dire humaine. J'avais toujours été un cas sur lequel il était difficile de statuer. Trop humaine ou légèrement monstrueuse. Dans tous les cas utilisées ici mes capacités spéciales était hors de question,  surtout si des champs d’attractions étaient encore actifs. Je risquerais d’attirer l’attention de la sécurité.
J'enjambai le corps sans vie qui dégageait une odeur de pourriture. Il était encore chaud, le meurtre avait  eu lieu récemment. Logiquement le processus de décomposition n’interviendrait que quelques heures plus tard mais ce cadavre avait décidé de s’auto détruire plus rapidement.  Une méthode comme une autre pour ne laisser aucunes traces. Sympathique le mort. S’ils pouvaient  tous être aussi prévenant mon travail serait grandement facilité. Pas de cadavre, pas de trace, pas de nettoyage.
L’identité du mort ne m’intéressait pas. C’était un mort, un idiot et un paladin. Il était inutile de s’attacher aux détails. Croire qu'être au service du roi Darius lui apporterait tout ce dont il avait rêvé. Illusions ! La question principale était pourquoi un paladin se trouverait ici évidement ? C’était risqué et il aurait dû le savoir.
Je m'approchai de la bibliothèque d'apparat et enclenchai le mécanisme dissimulé dans la reliure du livre à double fond. Les pans s'écartèrent comme prévu. Le coffre était là, fermé comme convenue. Glissant le doigt sur la serrure rouillée, je fermais les yeux. La surface était lisse, aucun changement de particules ne m'indiqua la présence de détonateurs ou de la moindre sécurité. De la magie ? Je me concentrais davantage, triant chaque particule les classant, les répertoriant dans un coin de ma tête.
Non plus. Étrange. Il fallait être fou pour laisser un objet d'une telle valeur sans protection ou être vraiment sur de soi et prétentieux. Or c'était ce que tous les paladins étaient.
Des êtres arrogants, prétentieux et insolents. Ils se surnommaient les chevaliers du ciel parce qu'ils avaient, disaient-ils, été choisi pour chevaucher les dragons. Ils pensaient être intouchables. Ils furent les derniers à se rendre compte de leur propre déclin. Au final, même après toute cette histoire, ils ne comprirent jamais qu'il leur fallait faire profil bas, ils continuaient de s'annoncer partout où ils passaient, allant et venant comme bon leur sembler. Jusqu'à ce qu'un jour, une pauvre  âme décide de répondre à l'avis de recherche et d'abattre un de ces prétendus gêneurs. Voyant qu'être chasseur de prime rapportait beaucoup plus d'argent que cultivait son champ, on vit l'émergence d'une centaine de tueurs (des paysans  sans le sous) qui pour la plupart n'avaient jamais tenu d'armes de leur vie. Et ce fut vraiment la fin des paladins. À dix contre un, le bilan était rapidement fait. La vie était dure, l’argent était rare et le bonheur qu’un ramassis de connerie.
J'ouvris le coffre en vermeil.  Il était là ! L'œuf reposait sur un trépied finement ciselé et délicatement maintenue par des attaches en or. Magnifique. Avec une circonférence d'une quarantaine de centimètres, strié de veines de couleurs brunâtres, sa surface dure et lisse allait d'une nuance brun foncé à une teinte rouge vive qui se dégradé en divers tons orangés. J'étalais un grand carré de soie noir sur lequel  je déposai précautionneusement le trépied et son œuf que je recouvris chaudement avant de le glisser dans ma besace de cuir noir.
Je refermai le coffre et le replaçai dans la bibliothèque à son emplacement original. Un coup d'œil me suffit pour faire le tour de la chambre à la recherche du moindre indice qui aurait pu me trahir.
Rien. J’avais préparé cette mission depuis des semaines et j’étais douée.
Je pris le chemin de la sortie. Je connaissais mon métier et j'y excellais. Le vol au même titre que le meurtre était devenu pour moi une seconde nature. Toujours aussi furtivement, j'entrebâillai la porte, aucune lumière ne filtrait à cette heure tardive. Je me glissais par l'ouverture.
Froid !
Le choc me surprit et je retins difficilement un cri. Une main froide aux doigts décharnés, agrippé  ma cheville. Mon cœur fit une embardé. Le mort remuait lentement les lèvres mais aucuns sons ne s’échappaient de sa bouche. Quelque soit le mot qu'il cherchait à articuler, cela lui demandait trop d'efforts. L’odeur de putréfaction qui s'élevait du cadavre avait atteint des proportions inhabituelles. Je remarquais les chaires tuméfiées, la décomposition si rapide  du corps tandis que la force de la poigne qui me retenait prisonnière s'intensifiait au point de devenir plus que douloureuse.
Finalement je ne trouvais plus le cadavre aussi sympathique.
Je ressentis une violente vague d’énergie et c’était tout sauf de la bonne énergie. Elle me rappelait l’odeur pestilentielle que pouvait dégager un membre gangréné.
Nécromancie. Je frissonnais. Quelqu'un, quelque part en cet instant utilisait la magie des morts. Magie censé être interdite et bannie. Je m'arrachai brutalement à la prise du mort vivant. Les dents claquèrent, proches et rapides.
- Tu as faim n'est-ce pas?
Comme s’il était capable de me comprendre.
Je posai mon sac sur le lit à baldaquin en gardant les yeux fixés sur le revenant. Ces choses pouvaient être vraiment rapides lorsqu'elles avaient faim. Les yeux exorbitaient, le cadavre s'élança sur moi. J'esquivai. Les doigts lents et décharnés qui tentaient de m'atteindre faisaient frémir l'air autour de nous.
Je devais absolument le mettre hors d'état de nuire mais j'ignorais ce qui avait activé le processus de résurrection. Quel objet ? L'œuf ! Je me serai giflé, à part l'œuf ou tout au moins le trépied il n’y avait rien d’autre.
La créature  me sauta dessus, me percutant de plein fouet. Je roulai au sol. La chute me coupa le souffle.  De mon bras, Je me protégeai le visage au moment où il tenta de me griffer. Il était fort. Ce qui n'était pas étonnant pour un paladin. Ils étaient entrainés au combat dès leur plus jeune âge. Je le repoussai d'un coup de pied au ventre. Roulant sur moi-même, je me remis debout. La créature me regardait l'œil torve, la bave à la lèvre. Ses os saillaient  de sa cage thoracique qui continuait contre toute attente à se soulever.
Je n'avais jamais entendu parler de ce phénomène. Ce n'est pas comme s j'étais une spécialiste des morts-vivants, non plus. Il ne respirait plus, de cela j'en étais certaine, puisque qu'il n'absorbait pas d'air alors que respirait-il exactement ?
 Je me décidai à l’affronter sérieusement.
-          Tu veux jouer ? alors viens.
Il me répondit par un étrange gargouillis.  Dégoutant !  Le corps ambulant plongea sur moi dans le but évident d’effectuer un plaquage au sol. Je me laissai tombé en arrière et me saisis de ses maigres poignets pour le faire basculer sous moi. Nous, nous battîmes quelques secondes. Seuls des bruits étouffés s'élevaient au milieu de la pièce silencieuse. Il m'attrapa les cheveux et cogna ma tête contre le sol. La douleur fulgurante me martela les tempes. Il emprisonna mon corps dans l'étau de ses bras. Les relents nauséabonds qu'il dégageait me donnaient la nausée.
« Ressaisis-toi », murmurai-je pour moi-même. L'inquiétude commençait à me gagnait. Esquiver les claquements de dents qui me menaçaient n'étaient pas une mince à faire. Il me fallait une arme et la seule dont je disposais était suspendue à mon cou. Je me tortillai, me démenant pour libérer mon bras emprisonné.
Enfin !
-              Putain ! Le cri s'échappa malgré-moi.
Il me mordait. Je sentais la mâchoire augmentait sa pression sur mon épaule. Je me cabrai et roulai sur moi-même furieuse. Il était hors de question que je devienne le gouter d'un mort vivant, aussi faible en plus. Il n’avait pas eu le temps de se nourrir.
La manœuvre avait fonctionné. Je l'avais bloqué contre le mur, lui coupant toute échappatoire. Je me saisis d'un geste vif de mon poignard qui pendait à mon cou et le plongeai dans celui de la créature. Il hurla de rage et de fureur. Un cri inhumain.  En tout cas ce n'était pas de la douleur, il en était dépourvu. Je me forçais à plonger ma lame plus profondément pour atteindre la jugulaire. Le cri devenait insoutenable. J'attrapai le mort par les cheveux et tirai la tête en arrière, bandant mes muscles. J'exposai son cou nu et sans défense et d'un geste brutal, je traçais un sillon de sang sur sa gorge. Sous ma main, le poignard chauffait, devenait brulant. Le cadavre luttait, combattait. J'augmentai la pression sur la nuque de ma victime pour permettre au poignard d’absorber le sort. Je rencontrai ses yeux. Vides, des trous exorbités, terrifiés.la bouche remua de nouveau. Puis toute magie s’éteignit. La chose qui s’était nourrie de lui et l’avait utilisée l’avaient enfin abandonné. Il n’était plus qu’un corps décrépit. Le sang gicla éclaboussant mon visage.
-              Le….pro….ge.
Apparemment il subsistait encore en lui une dernière lueur de lucidité.
- C’est ça mon pote, si t’avais une dernière volonté, il fallait y penser avant d’essayer de me bouffer.
Les mains moites de sang, (le geyser continuait de s'échapper de la gorge qui présentait une lacération béante), je saisis sa tête et tournais. Sous mes doigts, je sentais les os facial du visage se brisaient lentement. Dans un dernier effort, je tirai. Un craquement sinistre résonna. Je laissai la tête retomber sur la moquette gorgée de sang. C'était fini. Je me redressai et m'accroupis contre le mur loin du cadavre, le temps de reprendre mon souffle. Je nettoyai ma lame et la replaçais dans son fourreau toujours suspendue à mon cou. Immédiatement, une douce chaleur m'envahit, prenant son origine à l'intérieur même de ma poitrine. Le poignard était doué de certaines particularités mystérieuses dont j’avais pu tester l’efficacité au cours de toutes ces années. Il recelait en lui de la puissance, bien que j’ignore ce qu'il était réellement. Je l’avais reçu en cadeau, si l’on pouvait dire ça, plusieurs années plus tôt. De qui ? Je n’en avais pas la moindre idée. Je m’étais déjà rendu compte que ma mémoire possédait une fonction sélective qu’elle utilisait à son gré.
Recouverte de sang, je tentai de me débarbouiller du mieux que je pus, mon but était surtout de ne pas laisser de traces. S'échapper par la porte n'étant plus une option, il ne me restait que la fenêtre.
Je passai par le balcon, grimpai sur la balustrade et observai en bas, la ville silencieuse:
On était au milieu de nulle part, rien aux alentours. En bas, La cité était plongée dans les ténèbres, enveloppait d'un voile noir et opaque et pourtant même à cette distance…
Je me figeai. Mon souffle dans l'air glacial formait une buée blanche. Je plissai les yeux, concentrant toute mon énergie sur le roulement. Aucuns battements de cœurs, aucunes respirations et encore moins de puissance, mais ils étaient bien là. Je les entendais, je voyais chacun de leur pas tandis qu'ils avançaient lentement tel un seul corps.
D'en bas, je ne percevais que l'écho de leur pas lourd qui dérangeait le silence de la Cité. Ils étaient très nombreux. Une armée. Une véritable armée arrachée de la terre.
La vision s'évanouit aussi rapidement qu'elle était apparue.
Disparu, il n'y avait plus rien. Seul subsistait les relents d'une odeur nauséabonde et insoutenable. Qui que ce soit, il ne maitrisait pas encore totalement la technique de résurrection. J’allais peut-être devoir faire un compte rendu. Tout ce que je n’appréciais pas.
Je récupérai mon sac, le passai autour de moi et grimpai sur la balustrade. L'aéronef bien qu'invisible m'attendait en bas, parfaitement dissimulée. Bientôt, je ne pourrais plus l’utiliser pour mes petites escapades au risque d’attirer l’attention.
Mais d’abord…. Je sautais dans le vide. Il était temps de jouer au chat et à la souris.


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