L’art d’acheter une
paire de chaussure 2
Mardi 6H15 : Sous la couette
Journée pluvieuse
de Printemps et nouvelle journée de travail. Rien que d’y penser, je referme
les yeux. J’avais mal dormi. On était quel jour déjà…Plusieurs secondes me sont
nécessaires, puis c’est le déclic. Je me redresse comme un ressort.
Mardi ! Ce qui signifie CHAUSSURES. Ce mot glisse sur ma langue d’une
manière si sexy. Ce mot a le même effet sensationnel qu’un délicieux morceau de
chocolat. Je le goute lentement jusqu’à ce qu’il fonde doucement dans la
bouche. Si doux, si sucrée…Si intense. Je sens mon cœur palpiter.
Palpitations qui se
brisent net quelques secondes plus tard. Retour brutal à la réalité. Je
n’aurais jamais le temps !
Et pourtant, j’y
avais pensé tout le Week-end.
Je me revois encore en plein rêve:
Au début tout va bien. Je suis heureuse,
adulée par des fans. Mon visage est placardé partout.
Je marche avec l’allure d’une star sur
Hollywood Boulevard au milieu des strass et des paillettes. Autour de moi il y a une foule de monde.
Tout d’un coup, le rêve change.
Je me trouve
dans une petite allée déserte, sombre et crasseuse, entourée de poubelles
nauséabondes et de murs de briques rouge. L’écho du très kitsh Open Your Heart
de Madonna résonne au loin. Je suis seule avec cet inconnu dont je ne distingue
que les grosses lunettes de ski et le long couteau de boucher qu’il tient à la main droite. Il se tient devant moi, immobile.
Il respire bruyamment. Le silence est lourd. Je n’entends plus que ça : le
bruit de sa respiration qui est de plus en plus rapide. L’inconnu avance de
quelques pas puis s’arrête. Il parle mais je ne comprends pas ses mots. Il se
met à crier de plus en plus fort. Je ne comprends toujours pas. Je suis
effrayée. C’est important mais je ne comprends pas. L’homme (parce que je suis
sure que c’est un homme) fait de grands gestes en direction de mes pieds. Je
recule pour me mettre hors de sa portée mais très vite, je me retrouve acculée
au mur de briques. L’inconnu m’attrape
violement pas le bras. JE CRIS ! Je me débats avec l’énergie du désespoir.
PERSONNE N’AURA MES CHAUSSURES ! Je sens la lame glacé du couteau raclé
contre mes côtes. J’ai mal. L’inconnu frappe encore. Cette fois-ci, sa lame
franchis plus facilement la barrière de vêtement. L’acier froid s’incruste dans
mes chaires et poursuit sa route à l’intérieur de ma poitrine. C’est
douloureux ! J’HURLE mais personne ne m’entend. Une main gantée se pose
brutalement sur ma bouche et mon nez. Je ne peux plus respirer.
Je
n’ai qu’un seul regret : Mes Chaussures…
Je
suis toute seule. Au loin Madonna continue de chanter.
Je me réveille en
sursaut, la gorge sèche et le corps tremblant. Je suis frigorifiée. Il me faut
quelques minutes pour me reprendre. Je
n’avais jamais acheté ces chaussures. Ce
n’est qu’un cauchemar et on est Dimanche.
Dépitée, je sors de
mon lit. J’ai beau retourné le problème dans tous les sens, je ne vois pas de
solutions. J’ai même pensé à prendre un jour d’arrêt maladie. Mais avec ma
chance, je risquerais de tomber sur la mauvaise personne au bon endroit. C’est
vrai quoi ! Combien de personnes peuvent se targuer d’avoir été renvoyé
pour arrêt maladie abusif ? J’avais pourtant eu si mal au genou.
Peut-être pas un déplacement de la rotule mais
c’est tout comme. Entendons-nous bien, l’idée même de croisée Barbie granny, (Mon
ancienne manager payée 3000 € par mois pour pas grand-chose, quand je devais me
contenter de mes 1325€ de salaires primes comprises), au salon de thé Mariage
et Frère au Carrousel du Louvre, ne m’avait même pas effleuré l’esprit. Elle
était pourtant si mince, si anti-glucide, mais apparemment les gâteaux au thé mâchai
ne faisaient pas parti des aliments à bannir de sa vie. Grâce à elle j’avais
été virée.
Depuis je fais très
attention lorsque je suis absente. Je suis avertie.
Je pousse un énorme
soupir.
Reste de la journée : Ses
sandales j’y pense toute la journée. Au bureau, je suis sur Internet, cherchant
d’éventuelles photos mais rien. Je suis
bredouille.
Le temps est long.
Les clients sont chiants. Je pousse un nouveau soupir. Je dois tenir jusqu’à
Samedi. Je désespère déjà alors que je dois encore patienter 118 Heures et 43
minutes, autant dire une éternité.
Le reste de la semaine : S’écoule de la même manière.
C’est-à-dire : Dans une profonde et mélancolique dépression.
Samedi 7h 00: Humeur
générale : Prête à conquérir le monde.
Boulot:
La boîte fait le pont (la banque a ses avantages).
9h30 : Je suis
devant la boutique.
Seule, il n'y a personne d'autre.
(J'avais même eu le temps de me perdre). Durant tout le trajet j'avais prié
pour qu'elles soient là. Et les beautés ne m'ont pas déçu. Elles sont bien là qui
m'attendent. C'est un signe. Elles me sont destinées. C'est écrit dans les
étoiles ou le firmament peu importe.
Le thermomètre affiche 9°c, je ne porte
qu'une veste et je suis gelée. C’est ma dernière acquisition payable en 3 fois
sans frais et en promotion à 60%. Une si jolie veste en cuir cloutée IKKS de la
collection Printemps-été 2014 (celle de l'année dernière certes mais ne disons-nous
pas qu'il faut investir dans une veste en cuir noir). Il s'agit là d'une pièce intemporelle.
Mes écouteurs aux oreilles et le
téléphone à la main, j'observe les minutes qui s'écoulent.
9h50 : Je suis
gagnée par l'excitation. Ils ne vont pas tarder à arriver.
9h55 : Toujours
personne. Je jette un coup d'œil aux horaires pour m'assurer ne pas m'être trompé.
Vous comprendrez bien que sous le coup d'une forte émotion le cerveau peut être
sujet à quelques hallucinations.
9h55’47 : Tout va
bien. Je suis rassurée.
10h00 : Personne.
10h05 : Je commence
à perdre patience.
10h10 : C'est sûr, ils
ne sont pas du tout sérieux. Aucune considération pour leur clients (je le
serais bientôt). J’ordonne à mes pieds de rebrousser chemin mais ils ne veulent
pas m'écouter. Les nerfs communiquant avec mon cerveau doivent être défectueux.
Tant pis je patiente. Ce n'est pourtant pas faute d'essayer.
10h18 : Je
m'apprête à m’accroupir sur le trottoir quand j'aperçois deux femmes qui
s'avancent vers moi en souriant. C'est elles! Je sens déjà comme un lien qui se
tisse entre nous. Je me lève instantanément, plaquant un sourire pour une publicité
de dentifrice, sur mes lèvres. Elles me dépassent sans même me jeter un coup d'œil.
Je referme la bouche déçue. Deux minutes plus tard, c'est au tour d'un homme au
ventre proéminent d'une cinquantaine d'années, mais ce n'est pas lui. La même
chose se reproduit quatre fois de suite. Je me lève à chaque fois que quelqu’un
approche. Au moins je peux rattraper la séance de squats loupé ce matin. (Oui
messieurs, vous ne pensiez tout de même pas que des fesses rondes et musclée
comme Rihanna ou Beyonce c'est naturel ? Nous travaillons dur pour atteindre
un tel résultat de perfection et sans mentir la concurrence est rude. Voyez Kim).
J'entends
un bruit de clef et tombe subitement en arrière (J'ai l'impression de rouler en
boule après avoir mangé un bon indien).
Je
me retrouve nez à nez avec une femme aux petits yeux, le visage bouffi,
quelques mèches jaunes s'échappent de son chapeau à plume vert kaki. Etrange
vraiment très étrange... Et encore plus étrange vu de ce côté. (Rappelez-vous,
j’ai roulé en arrière). Je regarde plus attentivement son chapeau. C'est une
plume de pigeon! Pourquoi tant de cruauté madame? Et une plume de pigeon en
plus !
« Ma chèrrrie ce
n’est pas dou tout chic ! La plume dou flamand rouse aurrrait été boucoup mieux ».
Merci Cristina.
-
Bonjour…
-
Bonjour. (Elle a une voix bourrue et rauque, à couper au couteau).
- Je suis venue acheter une paire de chaussure.
Curieuse je tends le cou pour voir à quoi ressemble cette boutique de
l’intérieure.
-
Lesquelles ?
-
Celles-là !
À
la limite de l’hystérie, je lui indique la paire en question. Vite ! vite !
vite ! Qu’elle me laisse entrer !
La
femme se pousse. Je bondis en avant.
-
Quelle taille ?
-
37, je réponds aussitôt. Et euh…38. Je peux essayer les deux ?
-
Il doit nous rester encore une paire.
- Très bien, savez-vous comment elles taillent ?
Elle
me jette un regard exaspérée et hausse les épaules. Je grince des dents (c’est
pour la bonne cause, il faut la supporter. Mais il est clair qu’elle n’est pas
très aimable).
-
Elles taillent normalement.
Ça
veut dire quoi normalement ? Est-ce que normalement pour elle est
identique à mon normalement, donc taille standard ou est-ce que son normalement
débute et prend fin à sa propre perception du normal ? Dois-je lui
préciser que j’ai quelques antécédents d’anti-normalité ? Je ne comprends
vraiment pas ce qu’elle veut dire surtout si l’on se base sur sa plume de
pigeon vert. D’ailleurs, j’ignorais que ces volatiles avaient la faculté de
changer de couleur (Je croyais que c’était seulement réservé aux caméléons).
Sûrement un coup de la pollution, peut-être même des rayons ultra-violets. À
force d’abuser des UV voilà ce qu’on y gagne.
La
femme disparait de mon champ de vision, empruntant un petit escalier en colimaçon.
Je sautille sur place impatiente, admirant les autres articles autour de
moi : Sac, chaussure, cuir, accessoires… J’en soupire. Non ! Non !
Il faut que je me contente de ces chaussures.
La
vendeuse réapparait avec trois boites dans les bras dont deux qu’elle me tend.
-
Tenez ce sont les dernières.
Je
tente de cacher mon excitation mais malgré moi, je souris comme une idiote.
-
Vous pouvez vous installer ici.
Elle
m’indique un pouf qui ressemble à un baril de pétrole. Je la déleste des boites
avec tout le calme dont je suis capable. Traduction littérale : Je les lui
arrache des bras !
J’ouvre
la boite. Je n’en reviens pas ! Enfin !
Après une semaine d’attente, je les tiens entre mes mains. C’est comme
déballer son cadeau de Noël avant
l’heure !
J’approche la boite
de mon visage et hume la douce odeur de cuir. J’en ai les larmes aux yeux. Je
sors délicatement les deux merveilles de leur papier de soie et caresse
doucement le cuir souple. Le fin talon de 12 cm est presque aussi grand que ma
main. Je pose les précieuses sur un vieux tapis crasseux. (Ça ne leur rend
vraiment pas justice). Il ne faut surtout pas les abimer. Puis ouvrant
lentement la fermeture éclair, je glisse mon pied à l’intérieur. Je me permets
enfin un petit soupir de soulagement. Mon pied glisse parfaitement sur la
surface lisse du cuir. Je remue mes orteils.
"Coucous
vous ! Comment allez-vous ici-bas ?"
Elles me vont tellement bien ! Si confortable,
si belles !
J’admire mes pieds chaussés dans le miroir en face
de moi. J’effectue quelques pas. Oh !!! Elles sont faites pour moi ! Je
le sais, je le sens tout au fond de moi. C’est comme si durant des années, je
les avais cherché. J’avais été amputé d’une partie de mon corps à la naissance et
aujourd’hui, je suis enfin complète.
Je tourne sur moi-même, effectue
quelques allers-retours.
- Elles sont si belles, je m’extasie à l’intention
de la vendeuse.
- Oui elles sont en quantité très limitée.
Je dresse l’oreille.
- Ce sont des chaussures de créateurs, ajoute-t-elle.
- De créateurs ! Je m’exclame encore plus hystérique.
Je n’en reviens pas ! Moi la fille la plus cool s’apprête à porter de
véritables chaussures de créateurs en quantité très, très limité. Des
chaussures uniques !
- Et le prix ? Je pose la question, comme si
cela n’est qu’un détail sans importance.
- 240 €.
Je me fige. Je retourne mentalement le montant dans
ma tête. 240€ !!!
- Profitez-en elles sont en soldes à moins 50%.
Elles étaient à 480€.
- Ah oui ? Je souffle doucement.
Je
ne possède pas une telle somme sur moi ! Ni nul part d’ailleurs! Je suis
déjà à découvert et mon Livret A n’a qu’un service limité aux meubles de maison
et il ne lui reste que 350 misérable Euros. Je dois être raisonnable. Et puis
je dois acheter un nouveau frigo, le mien commence à rouiller des pieds à tel
point qu’il laisse des trainées de bave orange sur le carrelage blanc. Ça fait
tâche !
Oui, mais les
chaussures sont en soldes ! J’ai promis d’être une adulte responsable. Je pousse
un soupir à fendre l’âme. Je reviens le plus lentement possible sur mon pouf et
je les enlève la mort dans l’âme. Je les place dans la boite délicatement et
les regarde à regret. C’est dur mais je dois rester forte. (En cet instant je
ne suis absolument pas d’accord avec l’adage un de perdu dix de retrouver).
SOLDES ! SOLDES !
SOLDES ! SOLDES ! SOLDES !
SOLDES !
Raisonnable ! Solde ! Raisonnable ! J’ai
promis de faire attention à mon compte bancaire ! Chaussure… Mon cerveau
fait une fixette. Le virage mental n’est pas possible. Je tente de rétrograder
mais ça n’a aucun effet. Mon cerveau est bien trop bloqué pour même songer à
changer de vitesse. Une révision au garagiste du coin s’impose. Mais bon, je
prends le taureau par les cornes et braque brutalement ignorant mon code de
conduite habituel.
- Finalement je ne les prendrais pas, j’annonce
doucement à la vendeuse.
Je vois bien qu’elle n’est pas contente et qu’à ses
yeux, je lui ai fait perdre son temps. J’ignore pourquoi, je me sens contrainte
de m’excuser. Elle s’est donné du mal pour aller me les chercher.
- Vous êtes sûres ? Insiste-t-elle.
J’hoche doucement la tête. Je caresse les boites à
chaussures une dernière fois. Une manière de leur dire au revoir. Au moment de
tendre les boites à la vendeuse, je trébuche sur un câble électrique (apparu
comme par magie, j’en suis sûre), et elles tombent à terre. Les chaussures s’en échappent.
- Oh non ! Je suis vraiment navrée !
Je suis rouge de honte. Je m’accroupis et les replace pelle même dans leur boites. La vendeuse s’en saisit visiblement
mécontente. Ses petits yeux me transpercent sur place. Je grommelle un merci et
fuis la boutique honteuse et désespérée.
Une fois dehors, j’effectue quelques pas et me
retourne. Je secoue la tête. Je suis une adulte. J’ai pris une décision et je
dois m’y tenir (plus facile à dire qu’à faire). Une fois arrivée au bout de la
rue, je m’immobilise, sautille d’un pied sur l’autre et reviens sur mes pas
pour m’arrêter de nouveau.
Non ! Non ! Non ! Je deviens folle. Je
suis incapable de résister à la force d’attraction de la paire de chaussure.
Je me demande si la Relativité peut aussi expliquer
ce phénomène. Non je pense que c’est de l’ordre de la force d’attraction. Où
es-tu Isaac ?
Je serre les
poings et continue de marcher. Je suis forte, forte, forte. Je tente de
m’encourager.
Et zut! C'est plus fort que moi.
Je cours !…
Cours !… Cours à toutes jambes sur la chaussé très, très humide. Je sais
que je ressemble à une taré mais je m'en moque. Je ne possède plus le contrôle de mon corps.
Il est passé en mode automatique. J'entre dans la boutique telle une furie.
- Je les veux! Je crie. Les chaussures ! Je les
veux! Je répète au cas où quelqu'un n'aurait pas compris.
Je suis à bout de souffle.
Je fais taire ma mauvaise conscience et dégaine ma
Carte Bleue VISA. (Visa : Il faut signaler. C’est un détail d’importance
qui s’oppose au simple Electron)
J'observe la vendeuse.
- C'est 37 c'est ça? Demande-t-elle.
Comme si elle ne le sait pas. J’ hoche la tête, à
croire qu’elle est montée sur un ressort. C'est une erreur, au fond de moi je
le sais mais...Je ne suis qu’une simple humaine de chair et de sang, tellement
faillible. Oui je sais, c'est une énorme bêtise mais on ne vit qu'une fois et
le frigo n'en mourra pas (Remarquez qu'il l'est déjà à moitié). Il y aura d'autres
frigos mais pas ces CHAUSSURES.
- Cela fera 240€.
Quelle pingre ! Elle aurait pu me faire une
ristourne. Les bons commerciaux savent flairer un bon client. En ce qui la concerne,
elle attrape les mouches avec du vinaigre. Je tends ma carte bleue
et tape mon code, puis valide. Je tends mon cou. La machine est lente. C'est le
moment de vérité. Une phase cruciale pour toute acheteuse compulsive. Je
déglutis, gigote, me ronge les ongles. Au bout de très longue secondes, la
phrase magique apparait :
Paiement
accépté.
Je suis euphorique, je me sens tout d’un coup plus
légère.
Je récupère mon moyen de paiement et mon sac à
chaussure me promettant que c'est la dernière fois. Je me prépare déjà à virer
l'équivalent du montant de mon livret A sur mon compte courant.
Je ne peux m'empêcher de sourire.
Ça y est je les ai acheté! J’éloigne la petite pointe
de culpabilité qui pointe le bout de son nez. Je ne laisserais rien ni personne
me gâcher mon moment. En outre elles étaient en solde. C'est en quelque sorte
un investissement pour l'avenir. L'an prochain j'aurais une paire de chaussures
de moins à acheter. Des chaussures de créateur! Et Américain en plus, à moins
qu'il ne soit Italien. Les Italiens sont la référence en matière de chaussure,
il suffit de regarder les marques Ash, Air Step. .. En tout cas, il n'est pas
chinois.
J'entends de très loin la vendeuse me parler mais je
l'ignore. Je ressors de la boutique le visage épanouie, les
cheveux ébouriffés et mon trophée à bout de bras.
Je suis comme Alexandre Le Grand en plus féminine
J'ai gagné le round 3.
YOU WIN !
13h30 : Chez moi.
Une fois à la maison, je déballe ma nouvelle
acquisition. J'ai mis un temps record pour arriver on aurait presque pensé que
je volais. Je me sens bien, avec l'impression d'avoir effectué une bonne
action.
Je les essaye. Bizarre. J'ai une sensation étrange.
Je ferme la fermeture éclair et déambule avec. Vraiment très bizarre
À la boutique le pied droit ne me semblait pas si
grand. Peut-être que mon pied gauche à
gonfler depuis ce matin. Je marche en prenant soin d'effectuer de petits pas.
Je ne suis toujours pas satisfaite.
J’effectue encore quelques allers retours avant de
me rasseoir sur mon canapé, pensive.
Intriguée, je finis par me déchausser et les regarde
longuement. A la boutique, elles m'avaient parus si parfaite. Je les pose l'une
à côté de l'autre. Le pied droit me semble plus grand que le gauche. Serait- ce
un effet de mon imagination?
Je retourne les chaussures et là. ..
HORREUR!!!
37 et 38 !!!
Les chaussures étaient de pointures différentes.
Après m'être donné tant de mal! Apres avoir dépenser
l’argent que je ne possède même pas ! Mon investissement pour l’avenir
vient de s’envoler.
Mais comment une telle chose avait pu se
produire ?
FLASHBACK :
Mon
cerveau rembobine la pellicule. Il
possède la touche REPLAY. C’est une option génétique particulière originale
et très utile dans des cas comme celui-ci. Heureusement pour moi.
Je me revois encore dans la boutique. J’essaye les
chaussures puis finalement renonce à les acheter. J’ai les boites de chaussures à la main. Je rejoue chaque
secondes au ralenti. Je percute ce câble. Et soudain : La Chute ! les
boites tombent à terre. Je les ramasse sans
aucuns égards et les tend à la vendeuse.
C’est forcément à ce moment-là que l’échange a eu
lieu. Le câble qui est apparu comme par magie. C’est encore un coup du Karma.
Je respire un grand coup, il faut que je me calme.
12h40 : Je peux le faire ! Si je me dépêche, je
serais de retour à la boutique avant 14h00.
Je sors de mon
appartement la boite à chaussure sous le bras. Sauf que je la trouve bien légère.
Oh Misère ! Les chaussures sont restées à l’intérieur. J’y retourne et
m’empare de l’arme du crime. Cette fois-ci, je vérifie bien que j’ai tout.
13h43 :
Je l’ai fait !
Je suis devant la boutique. En sueur et à bout de souffle mais j’y suis !
C’est drôle de voir à quel point les petits tracas de la vie peuvent se
transformer en un véritable enfer et se leaguer contre vous lorsque vous
êtes pressée. En plus je m’étais perdue. (Mais ça ne compte pas vraiment, c’est
compris dans mon temps de trajet. J’ajoute toujours au minimum un quart d’heure
pour avoir le droit de me perdre, ainsi, je suis sûre d’être à l’heure. On peut
donc dire de moi que je suis une personne très prévoyante).
Dès qu’elle me
voit, la vendeuse prend un air revêche. (J’ai un visage inoubliable !) Hé !
Je suis quand même une cliente, faire preuve d’amabilité ne la tuerai pas. Je l’entends déjà soupirer.
Elle me fusille du regard.
- Nous ne remboursons pas, déclare-t-elle d’un ton sec en me montrant un
papier jaunie collé au mur avec du scotch grotesque et noirci.
« Pas de
remboursement, échange seulement »
L’inscription rouge vif me fait
mal aux yeux.
Ça tombe bien, je ne suis pas venue pour ça. Elle a surement peur de
perdre mon argent. Je sors les dents, je ne vais quand même pas me laisser
faire plumer par cette vendeuse sans foi ni loi. Je m’éclaircis la gorge.
- Ce n’est pas pour cela que je suis passée. Il y a un problème avec les
chaussures. Elle me décroche un regard peu amène. J’ai un pied plus grand que
l’autre, je poursuis.
Je secoue la boite sous son nez.
- Dans ce cas-là, allez consulter un podologue.
Je me sens violement rougir. Reste calme…Reste calme. Décidément cette
phrase est devenue mon mantra quotidien (Pour cette journée en tout cas car en
général c’est « Panique »).
- Vous m’avez donnez une taille 37 et une taille 38.
Je lui montre la boite.
- Ah.
Quoi ! Juste Ah ?
- Je veux que vous me rendiez la bonne chaussure. J’insiste lourdement
ma main sur le comptoir ébréché.
- Impossible.
Sa voix est si monotone. Comment
peut-elle rester si calme ?
- Pourquoi impossible ? J’ai comme l’impression que mes yeux virent aux
rouges.
- Elle a été vendue cette après-midi.
- Vendue ? Je répète incapable d’y croire.
Tout mais pas ça ! Je viens d’avoir l’affreuse image de mon rêve qui se
brise.
Ma quête ne prendra jamais fin. Je ne trouverais pas mon Moi intérieur
finalement.
- V-E-N-D-U, répète la vendeuse en articulant très lentement. Elle me
prend pour une débile ou quoi ? Je grince des dents. Décidément, le sort
s’acharne contre moi.
- Mais que vais-je faire ?
- Si vous voulez on peut exceptionnellement faire un échange, suggère la
vendeuse. Bien que ce ne soit pas du tout la politique de la maison.
Et l’affiche alors ! La moutarde me monde au nez.
- Échanger ? Mais je ne veux pas échanger. C’est Elles que je veux !
- Alors gardez-les. Qui le saura de toute manière ?
- Moi je le saurais.
Elle me demande ni plus ni moins d’abuser les gens. Quelles insanités,
débite-t-elle là?
- Écoutez nous allons fermer, en plus c’est votre faute aussi.
- Bien sûr que non ! C’est vous la vendeuse, c’est à vous de vérifier la
marchandise à chaque ventes. Vous auriez dû vérifier que j’avais les deux pieds
de la même pointure !
- Sortez d’ici ! Vous me faites perdre mon temps.
- Non ! Je resterai là.
- Sortez de là ou j’appelle la police.
Bon d’accord, c’est un argument de poids. Je réfléchis un instant.
- Très bien, mais je veux le nom de la personne qui les a acheté.
- Nous n’avons pas le droit de divulguer ce genre d’informations.
Et le contrôle d’identité alors ? Bon en plus, elle n’a pas nié,
donc elle connait forcément l’identité de l’acheteur.
- Dans ce cas-là, j’attendrais la police en votre compagnie.
Je m’installe confortablement sur le pouf, la boite à chaussure serrée
contre mes genoux.
L’impression qu’elle n’a pas plus
que moi, l’envie d’être confronter aux
policiers ne m’a pas échappé.
Aucune de nous ne parle. La vendeuse
surveille l’horloge. De temps à autre nous nous jetons des regards par-dessus
l’épaule. Laquelle craquera la première ?
14hOO : Je n’ai vu personne franchir la porte
d’entrée.
14h15 : Toujours personne. Le silence est total.
14h35
: Elle n’y tient plus.
- Très bien, tenez.
Elle me donne une petite carte très élégante sur laquelle n’est inscrit
qu’un simple nom:
L.BUISSON
- Et son prénom ?
- Je l’ignore.
- Comment est-il ? Homme ? Femme ?
La vendeuse soupire exaspérée.
- Environ 1m80, brun et tempes
grisonnantes, assez costaud.
Je plisse les yeux. Où est l’arnaque ? C’est sûr, il y en a une.
Tous ses renseignements d’un coup cachent quelque chose…
- Très bien, mais si vous m’avez menti…Je la menace en fronçant les
sourcils
- Tout ce que je veux c’est que vous disparaissez.
- Sachez que je ne prendrais pas votre carte de fidélité.
Elle hausse les épaules.
- Nous n’en avons pas.
- Vous êtes la honte du service commercial. Vous ne méritez pas votre
métier, vous ne faite preuve d’aucun dévouement, aucune considération pour vos
clients. Je continue avec un ton hautain. Si vous voulez mon avis…
- Je me fiche de votre avis. FOUTEZ LE CAMP ! DE MA BOUTIQUE !
Cette femme est vraiment méchante ! Je sors sans perdre un instant, j’ai des chaussures à retrouver. Et je vais
pouvoir réaliser l’un de mes rêves d’enfants :
DETECTIVE PRIVE !
Je m’imagine déjà, je serais chic,
classe, comme Lois Lane. Je suis la nouvelle Sherlock Holmes des temps moderne
avec la pipe en moins et une paire de talons aiguille en plus.
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